J’ai vu 42 films en salle et eu le plaisir d’assister au Festival du Film Romantique à Cabourg, qui se déroule toujours dans une atmosphère de simplicité. Voici ma sélection 2016:
1 – « Moi Daniel Blake » – Drame Britannique, Français, Belge – De Ken Loach – Avec Dave Johns, Hayley Squires, Dylan McKiernan…
Pour la première fois de sa vie, Daniel Blake, un menuisier anglais de 59 ans, est contraint de faire appel à l’aide sociale à la suite de problèmes cardiaques. Mais bien que son médecin lui ait interdit de travailler, il se voit signifier l’obligation d’une recherche d’emploi sous peine de sanction. Au cours de ses rendez-vous réguliers au « job center », Daniel va croiser la route de Katie, mère célibataire de deux enfants qui a été contrainte d’accepter un logement à 450km de sa ville natale pour ne pas être placée en foyer d’accueil. Pris tous deux dans les filets des aberrations administratives de la Grande-Bretagne d’aujourd’hui, Daniel et Katie vont tenter de s’entraider…
A 80 ans, Ken Loach n’a pas baissé les armes. Il a gardé intacts sa colère, son empathie, son humanisme. Interprète de Daniel Blake, l’humoriste Dave Johns nous fait vivre toute son existence grâce à sa simple présence, modeste, pudique, teintée d’un humour sans plainte. On frôle la comédie, par moments, (il est pourtant question de vie ou de mort. de la faim et de la vraie misère, d’exclusions et d’humiliations), tant le héros de ce calvaire ordinaire met d’énergie, de chaleur et d’humour désespéré dans la bataille. Sa bonté, ses boutades, ses gestes quotidiens le rendent proche, profondément attachant, un peu dépassé aussi, presque désuet. C’est une histoire de fraternité humaine face à une administration à demi privatisée, rendue folle et perverse par sa chasse aux prétendus « assistés »… Combat inégal… Ce film évoque autant l’Angleterre victorienne que celle d’aujourd’hui. Manière, pour Ken Loach, de nous dire que dans le monde moderne, ce n’est pas Daniel Blake qui est anachronique. C’est la violence sociale… Tout sonne juste, c’est bouleversant… Palme d’or bien méritée !
2 – « Elle » – Thriller Français, Allemand – De Paul Verhoeven (d’après le roman de Philippe Djian) – Avec Isabelle Huppert, Laurent Lafitte, Anne Consigny …
Femme d’affaires redoutable et chef d’entreprise respecté d’une entreprise de jeux vidéo, Michèle voit sa vie basculer quand un homme masqué s’introduit chez elle et la viole. Alors qu’elle croyait tout contrôler, elle va sombrer dans une sorte de paranoïa. Elle dort avec une arme sous l’oreiller, entend des bruits et surtout se met à soupçonner son entourage et son personnel qu’elle fait espionner. Croyant pouvoir tout régler, elle préfère ne pas porter plainte et ce n’est que des semaines plus tard qu’elle révèlera ce qui lui est arrivé…
Rien ne se passe banalement dans ce thriller grinçant, l’héroïne ne réagit jamais à ce qui lui arrive de façon attendue. Isabelle Huppert est tout en ambiguïté, amoralisme, solitude et solidité. Il fallait tout son talent sulfureux pour dessiner ce portrait sublimement malsain d’une femme qui dissimule ses failles… Chaque plan, superbement construit, baigne dans cette ambiguïté perverse qui nous entraîne dans une palette inouïe de sensations diverses, de la violence frontale à la farce burlesque. Là aussi, récompenses bien méritées !
3 – « Juste la fin du monde » – Drame Canadien, Français – De Xavier Dolan – Avec Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Léa Seydoux, Vincent Cassel…
Voir présentation et commentaires sur le blog de Frédéric:
https://thedude524.com/2016/12/28/les-films-de-lannee-2016-tag-le-cinema-et-moi/#comment-2951
https://thedude524.com/2016/09/27/cinema-juste-la-fin-du-mondede-xavier-dolan/
Très touchée par ce huis-clos magnifique et poignant, merveilleusement réalisé et interprété… Là encore, nominations et récompenses pas usurpées du tout ! J’aurais aussi bien pu le mettre en 1 ère ou 2 ème place dans mon classement.
4 – « Le client » – Drame Iranien, Français – D’Asghar Farhadi – Avec Shahab Hosseini, Taraneh Alidoosti, Babak Karimi…
Ranaa et Emad, un couple de la bourgeoisie de Téhéran, partagent leur temps entre leurs métier et leur passion pour le théâtre, où ils sont en train de répéter «Mort d’un commis voyageur» d’Arthur Miller. Une nuit, alors que l’immeuble dans lequel ils vivent s’effondre, ils sont obligé de quitter précipitamment le bâtiment. En attendant d’être relogés, ils sont hébergés dans l’appartement d’un de leurs amis de la troupe de théâtre. Mais un soir, alors qu’elle est seule, Ranaa est agressée par un homme, qui prend rapidement la fuite. Emad, traumatisé par l’événement, décide d’enquêter sur l’affaire. Il a bientôt un suspect en vue…
A mi-chemin entre le thriller et la chronique sociale, ce drame nous embarque et nous interpelle jusqu’à un final poignant.Un scénario qui enchaîne les événements comme un engrenage. Farhadi sème discrètement les indices et entretient savamment l’ambiguïté pour créer le trouble. Encore une fois, il dénonce la pression morale et religieuse qui pervertit les relations aussi bien sociales que familiales.
5 – « Les innocentes » – Drame historique Français, Polonais – D’Anne Fontaine Avec Lou de Laâge, Vincent Macaigne, Agata Buzek…
Voir post sur : https://thedude524.com/2016/02/24/cinema-les-innocentes-anne-fontaine/
Bouleversant, profond et intense, traité avec délicatesse, sobriété et pudeur, tout en sensibilité… il ne verse jamais dans le mélo… Des résonances encore actuelles malheureusement… Quelques moments légers qui s’intercalent et un final d’espérances malgré ces drames humains…Un casting et une bande son remarquables, images et cadrages des plus expressifs !
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J’ajoute également 3 autres coups de cœur :
6 – « Café Society » – De Woody Allen – Avec Jesse Eisenberg, Kristen Stewart, Steve Carell…
Voir : https://thedude524.com/2016/05/17/cinema-cafe-society-de-woody-allen/
La mise en scène de « Café Society » est élégante et brillante.
Le monde chic et rétro des années 30, où tout semble possible, est bien rendu ainsi que la nostalgie qui en émerge.
J’ai aimé les ambiances jazzy (comme d’hab chez Woody!), la forme du conte avec voix off dans lequel les aléas et l’ironie de l’existence sont narrés avec talent.
J’ai été vraiment émerveillée par la qualité de chaque plan du film, magie du Directeur de la photo, Vittorio Storaro, 75 ans!
Les univers, les sociétés, Hollywood / New York, et les tempéraments qui s’opposent dans ce film m’ont fascinée.
J’ai également été sensible à l’humour (même clichés, bien vus cependant) qui émerge régulièrement, faisant habilement cohabiter comédie et drame.
Pour moi, un film à la fois doux et amer, romanesque et romantique, comédie semi-tragique.
C’est vrai que ce Woody, « c’est comme avant », à l’ancienne, avec la guéguerre entre New York et Los Angeles, avec tous les ingrédients qu’il affectionne et une passionnante réflexion sur tous ses thèmes de prédilection ( ceux de « Match Point » me semblent ici prolongés de façon plus sentimentale et mélancolique).
Aucune réserve pour les choix et jeux d’acteurs, ils m’ont tous embarquée et emballée!
C’est vrai que le rituel d’un film par an nous rend peut-être plus exigeant avec Woody… mais un jour ces rendez-vous rituels vont malheureusement nous manquer!!!…
7 – « Julieta » – De Pedro Almodóvar – Avec Emma Suárez, Adriana Ugarte, Daniel Grao…
Julieta s’apprête à quitter Madrid définitivement lorsqu’une rencontre fortuite avec Bea, l’amie d’enfance de sa fille Antía la pousse à changer ses projets. Bea lui apprend qu’elle a croisé Antía une semaine plus tôt. Julieta se met alors à nourrir l’espoir de retrouvailles avec sa fille qu’elle n’a pas vu depuis des années. Elle décide de lui écrire tout ce qu’elle a gardé secret depuis toujours.
Julieta parle du destin, de la culpabilité, de la lutte d’une mère pour survivre à l’incertitude, et de ce mystère insondable qui nous pousse à abandonner les êtres que nous aimons en les effaçant de notre vie comme s’ils n’avaient jamais existé. Comment vivre sans ceux que l’on aime? C’est tout l’enjeu de ce film subtil, rare, intelligent et intense. La mise en scène d’Almodóvar, dépouillée de tout effet baroque, nous emporte dès le début pour ne plus nous lâcher. Un beau film, grave, pudique, émouvant… Almodovar, sensible aux femmes et à leurs mystères, aux liens qui unissent les êtres, aux amours passionnées, aux émotions, aux couleurs du mélodrame, déploie tous les sortilèges romanesques pour dresser un riche et dense portrait de femme à travers une des situations passionnelles et violentes, celle des rapports mère-fille… Ça aurait pu être une palme d’or !
8 – « Frantz » – De François Ozon – Avec Pierre Niney, Paula Beer, Ernst Stötzner…
Au lendemain de la guerre 14-18, dans une petite ville allemande, Anna se rend tous les jours sur la tombe de son fiancé, Frantz, mort sur le front en France. Mais ce jour-là, un jeune Français, Adrien, est venu se recueillir sur la tombe de son ami allemand. Cette présence à la suite de la défaite allemande va provoquer des réactions passionnelles dans la ville.
L’interprétation est précise, la mise en scène élégante, les cadres rigoureux et le montage incisif… une délicatesse empreinte de nostalgie qui nous mène de sentiment en sentiment, d’émotion en émotion… Le noir et blanc donne une gravité élégante au récit romanesque et renforce l’esthétisme très pictural de la mise en scène… L’amour, le mensonge et le secret en toile de fond…
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Et deux films documentaires, dans le domaine des Arts, pas du tout barbants, ni style audiophone dans les musées, mais plutôt envoutants…
9 – « Florence et le Musée des Offices » (en 3D) – Documentaire italien
La découverte passionnante d’un des lieux les plus prestigieux au monde qui vous donnera accès aux plus belles œuvres d’art de la Renaissance. FLORENCE ET LA GALERIE DES OFFICES 3D permet pour la première fois d’introduire des caméras ultras HD 4K/3D dans plus de 10 lieux uniques de la ville de Florence. Une technique qui offre une plongée au cœur même des œuvres ! C’est la promesse d’une expérience visuelle hors du commun : une autre manière de découvrir les œuvres d’art les plus marquantes.
10 – « Le mystère Jérôme Bosch » – Documentaire Espagnol, Français – De José Luis Lopez-Linares – Avec Miquel Barceló, Guo-Qiang Cai, William Christie…
500 ans après sa disparition, Jérôme Bosch, l’un des plus grands peintres flamands, continue à intriguer avec une œuvre aussi fascinante qu’énigmatique, aux interprétations multiples. À travers « Le Jardin des Délices », historiens de l’art, philosophes, psychanalystes en cherchent le sens et rendent un hommage vibrant à un artiste qui défie le temps. Le réalisateur José Luis López-Linares étudie dans ce documentaire une des œuvres les plus célèbres du peintre, «Le Jardin des délices». Pour mieux comprendre ce tableau, José Luis López-Linares a organisé des visites nocturnes du musée du Prado, où il est exposé. Ainsi, devant sa caméra, se succèdent notamment William Christie, Michel Onfray, Orhan Pamuk ou encore Salman Rushdie, qui évoquent leur rapport à ce chef-d’oeuvre qui a traversé les époques… Pour la première fois, une caméra scrute les mille et un détails du Jardin des délices. Une immersion passionnante dans ce triptyque. Un documentaire contemplatif qui ne prétend pas résoudre le mystère Jérôme Bosch, mais qui invite à s’y perdre avec volupté, à en partager les ténèbres et la lumière. La rigueur analytique et la rêverie la plus débridée sont parfaitement associées… Subtil… Passionnant… Fascinant !
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